Dans le registre de la psychologie, la rage peut naître de l’incapacité à atteindre un idéal, de l’impossibilité à maîtriser quelque chose ou quelqu’un, d’un manque d’attention d’autrui à ce que l’on dit ou à qui l’on est.
Qui n’a pas jamais senti naître en lui cette force subjuguante qu’est la rage ? Une énergie située en soi et pourtant hors de contrôle. Une expérience d’assujettissement à nos émotions qui nous sort de notre conduite habituelle et même de nos valeurs. Un phénomène aux origines parfois inaccessibles et dont la fin ne peut avoir lieu qu’après avoir – fantasmatiquement ou réellement – détruit l’autre, s’être épuisé ou avoir été immobilisé.
Monstre intérieur tout puissant et aveugle, la rage est souvent perçue comme destructrice. Je propose ici de la considérer comme une réponse instinctive à un état d’urgence soudain. Moment dans lequel le sujet a perdu sa sécurité de base. L’objectif de la rage serait alors de retrouver l’état d’avant ce qui a fait traumatisme.
La «rage de vivre» serait là pour me permettre de continuer à me sentir être, en lien avec moi et avec l’autre, pour éloigner l’angoisse du vide, pour dire non au manque de l’autre.
Pris par la rage, je passe de la vie à la survie. Je suis susceptible de réduire l’autre ou moi-même à un objet à asservir ou à détuire.
Si je n’y arrive pas, ou si ma rage n’atteint même pas l’autre, je peux m’enfermer dans la honte de ne pas arriver à le maîtriser. Cela peut devenir mon contrat de vie : «c’est sûr : je n’y arriverai pas ; et je n’essaierai même pas puisque je ne supporte pas d’être vu dans mon impuissance».
Si j’y arrive trop bien, en déchargeant mon angoisse sur un autre qui se plie à mon désir, je peux vivre une culpabilité. C’est dans bien des cas souhaitable, mais cela peut devenir invalidant : «je n’ose réussir à dépasser l’autre car alors je le détruirai et vivrai l’angoisse du manque de l’autre».
La colère serait une autre couleur de l’énergie du non. Elle a les mêmes origines que la rage mais elle est formulée et adressée à quelqu’un, elle passe par la médiation du langage. La colère est l’autorisation que je me donne de dire non à l’autre sans avoir peur de perdre son amour. Ainsi définie, la colère est une sorte de médiateur, d’outil relationnel qui pourrait s’illustrer de la façon suivante : «Je dis non à ce que je reçois de toi pour que s’arrête le mal-être que cela génère en moi. C’est pour mon bien et non contre toi. Je dis fortement ce Non car je vis que tu ne ne m’entends pas. Je dis non à ce que je reçois de toi
– ce peut-être de l’absence – dans le but de revenir à une relation avec toi qui me satisfasse».
La colère peut avoir lieu si j’ai confiance dans notre relation, si j’ai l’intime conviction que notre relation n’est pas le prix à payer pour dire ce que je pense.
Dans votre vie, vous arrive t-il d’expérimenter la rage et la colère tels qu’ils sont définis ici ? Qu’est-ce qui se répète alors ? Quelles sont vos propres définitions et votre propre expérience de ces thèmes ? Quelle place tiennent-ils dans votre vie ? Avez-vous développé d’autres stratégies pour vous protéger de ce qui est insupportable ?
Quels liens faites-vous entre rage, honte et culpabilité ?