Nos corps et nos pensées naissent de la rencontre d’autres corps et d’autres pensées. Ainsi, bien qu’individuels, nos corps ne peuvent se concevoir autrement que les maillons d’une chaîne, telles les gouttes d’eau indissociables de l’océan qu’elles forment.
Notre corps a d’abord été contenu dans un corps et dans des mots. Depuis sa conception jusqu’à sa disparition, notre corps change d’état et est en mouvement. Pour qui l’écoute, il rappelle l’impermanence de notre condition humaine. Ce qui naît meurt, et ce qui meurt a vécu. Mais qui veut entendre cela ? Les enfants qui n’ont peur ni de la mort ni de vivre, et qui veulent avoir ce corps de grands, condition d’accès à tant d’expériences. Puis, devenus grands, nous ne cessons de vouloir notre corps d’avant. Et, à la place de vivre avec lui des expériences harmonieuses, nous nous dissocions de lui en l’ignorant, l’exploitant, l’attaquant.
C’est nier le sens de notre corps que de faire cela. Il nous contient : notre pensée, notre langage, nos émotions, notre mémoire et ainsi il est le support de notre expérience humaine, de notre lien à l’autre.
Et maltraiter notre corps, c’est oublier que les limites qu’il nous impose sont des invitations à vivre autrement, en harmonie avec ce qui est.
En résonance avec notre talent inné pour le déni, notre époque veut ignorer les étapes et les rites que notre corps nous propose de façon pourtant visible. Ainsi, les phases suivantes, nommées et fêtées depuis la nuit des temps, sont désormais cachées, maquillées, vidées de leur sens sacré : naissance, premiers pas, premiers mots, puberté, grossesse, maternité, paternité, crise de milieu de vie, ménopause, andropause, mort.
Ces passages invitent pourtant à une sublimation de soi, à un rapport fécond à soi et au monde. Ils peuvent être aussi le lieu de fixation de notre énergie de vie sur des traumatismes, énergie engluée par nos émotions.