Carl Gustav Jung définit l’ombre ainsi* : « L’ombre est quelque chose d’inférieur, de primitif, d’inadapté et de malencontreux, mais non d’absolument mauvais. » (…) « Il n’y a pas de lumière sans ombre et pas de totalité psychique sans imperfection. La vie nécessite pour son épanouissement non pas de la perfection mais de la plénitude. Sans imperfection, il n’y a ni progression, ni ascension. »
Dans une première partie de notre vie – ceci en référence au thème fil rouge de cette année « la crise du milieu de la vie » – nous avons tendance à obéir à nos choix conscients, à notre recherche d’idéal, à la demande du Moi. Cela ne va pas sans créer et accumuler, dans notre inconscient, des positions opposées à ces choix conscients. Et plus nous faisons des efforts pour ignorer ces opposés, pour les exclure de notre vie, plus ils surgissent dans nos rêves, nos actes manqués, nos symptômes.
La seconde partie de notre vie nous demande d’accepter de nous tourner vers les pôles opposés, d’accepter l’ombre d’abord ignorée et non vécue, et d’entrer en dialogue avec elle.
Deux erreurs possibles se dessinent alors.
D’abord, rester cramponné aux choix initiaux, se mettre des œillères en orientant son regard vers le passé, vers ce qui semblait fonctionner avant. Cette attitude se caractérise par une certaine rigidité, une tendance à se protéger derrière les règlements, un évitement de l’ombre devenue inquiétante. La vérité unique que l’on veut suivre les yeux fermés semble apte à nous protéger de tout bouleversement dans notre vie.
Le second écueil est de tourner le dos à toutes les valeurs auxquelles nous adhérions jusqu’alors. Dès que nous découvrons notre erreur – l’oubli de l’ombre de chacune de nos convictions – nous prenons le contre-pied de qui nous étions avant. C’est ainsi qu’adviennent les virages brusques dans une vie : changement de profession, de croyances, divorces, reniements de toutes sortes, etc. On se concentre sur ce que l’on avait oublié de vivre jusqu’alors. Le refoulement est toujours là, mais il a changé d’objet. Nous croyons alors qu’une valeur annule son contraire.
Jung nous transmet que tout ce qui est humain repose sur des antagonismes intérieurs. Ainsi, les mettre en lien, en dialogue, les reconnaître et les questionner est selon lui salutaire. Il définit la maturité de l’être humain comme sa capacité à se tenir au centre du plus grand nombre de ses positions opposées.
*C.G. Jung L’Âme et la vie, LGF – Livre de Poche, 1995 (ISBN 2-253-06434-3).